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Recension Philosophie

Une politique des droits de l’homme

À propos de : Justine Lacroix et Jean-Yves Pranchère, Le procès des droits de l’homme. Généalogie du scepticisme démocratique, Seuil


par Christian Nadeau , le 6 juin 2016


Les droits de l’homme ont fait l’objet de nombreuses critiques depuis leur déclaration en 1789. Aujourd’hui encore, ils sont accusés de desservir la démocratie et de favoriser l’individualisme. Mais ce procès, expliquent J. Lacroix et J.-Y. Pranchère, n’est pas justifié.

Recensé : Justine Lacroix et Jean-Yves Pranchère, Le procès des droits de l’homme. Généalogie du scepticisme démocratique, Seuil, « La couleur des idées », 352 p., 22 €.

La très grande majorité des critiques formulées contre les droits de l’homme depuis leur apparition dans le vocabulaire politique des philosophes et des constitutionnalistes portent sur leur caractère universaliste. Les droits de l’homme représenteraient des normes générales abstraites, désincarnées, moralisantes qui domineraient les démocraties en leur imposant des diktats de conduite indépendamment des choix politiques propres à chaque nation. Une telle critique se fait entendre aujourd’hui aussi bien à gauche qu’à droite. La prétention à l’universalité des droits de l’homme empêcherait tout projet politique issu des valeurs distinctives de chaque communauté historique.

Faut-il observer là une simple réaction à la modernité démocratique ? J. Lacroix et J.-Y. Pranchère jugent que non. Ils en veulent pour preuve l’hostilité de nombreux politiciens en Europe ou ailleurs face aux exigences des droits de l’homme et le nombre grandissant d’intellectuels – parmi eux, Pierre Manent, Marcel Gauchet, Jean-Claude Michéa – se réclamant d’une riposte démocratique aux sommations croissantes des droits. Selon ces auteurs, l’individualisme forcené des sociétés contemporaines, opposé à l’engagement nécessaire à tout projet collectif, se traduirait par une multiplication à l’infini des revendications de droits. Les démocraties contemporaines, disent en substance ces mêmes auteurs, ne peuvent se dire automatiquement favorables aux réquisits des droits de l’homme lorsque ceux-ci affaiblissent les rapports sociaux historiques au sein des communautés en rattachant les individus à ce qui les protège les uns des autres plutôt qu’en affermissant les liens qui les unissent.

Ces critiques n’apparaissent pas de nulle part. Elles émergent dès la fin du XVIIe siècle et évoluent jusqu’à leur forme actuelle dans le débat d’aujourd’hui. Pour J. Lacroix et J.-Y. Pranchère, il s’agit de présenter une carte intellectuelle des objections les plus importantes formulées au cours des siècles derniers contre les droits de l’homme et ce afin d’éclairer ce qui nourrit le scepticisme à leur égard. Ils examinent les œuvres de sept auteurs, Edmund Burke, Joseph de Maistre, Louis de Bonald, Jeremy Bentham, Karl Marx, Auguste Comte et Carl Schmitt. À cette « cartographie historique » répond une défense politique des droits de l’homme dans le prolongement de la pensée d’Hannah Arendt.

Une cartographie historique

Les Réflexions sur la Révolution de France, d’Edmund Burke, expriment une des toutes premières manifestations du désaccord fondamental avec la logique morale des droits de l’homme. Pour ce dernier, la spécificité de la Révolution française se trouve dans sa prétention à l’universalité. Inversement, la Révolution américaine ne pouvait vouloir dépasser les bornes de l’Amérique du Nord. Suite à la Révolution française, tout État européen se voit dans l’obligation de se positionner pour ou contre les droits de l’homme. Si la Révolution britannique de 1688 ou la guerre d’indépendance américaine n’ont pas pu avoir le même effet, c’est qu’elles répondaient toutes deux à des circonstances particulières. Au contraire, la Révolution française se double d’un discours universalisant qui efface toute détermination historique. Selon Burke, une norme abstraite et dépolitisée rend impossible la reconnaissance des réclamations spécifiques d’un peuple.

Chez Jeremy Bentham, la critique des droits de l’homme se traduit d’abord par le refus d’un état de nature, ou d’un statut moral prépolitique. Pour Bentham, toute expression d’une norme juridique émane de la volonté humaine et ne peut la précéder. Bentham récuse la thèse d’une primauté des droits sur les intérêts, puisque ce sont ces derniers qui définissent les besoins et par conséquent les limites du recours aux normes juridiques. Bentham ignore alors ce qui dans les droits de l’homme correspond aux besoins des individus et peut de ce fait même en être la source. J. Lacroix et J.-Y. Pranchère montrent bien en quoi la critique des droits de l’homme chez Burke et Bentham procède de deux considérations diamétralement opposées : pour Burke les droits de l’homme ignorent l’historicité des communautés – car ils sont étrangers aux particularités des nations ; pour Bentham au contraire ces mêmes droits bloquent toute perspective d’avenir – parce qu’ils préconditionnent les choix des groupes sociaux. Mais en dernière instance, leur raisonnement se fonde sur une même vision des choses : l’universalisme sacrifie la communauté politique à l’autel des droits. On peut constater un raisonnement analogue chez Auguste Comte, pour qui l’idée même de droits de l’homme apparait fallacieuse puisqu’elle impliquerait que les droits subordonnent les devoirs. Or, dit-il, ce sont les devoirs qui rendent possible les liens sociaux de solidarité, l’individualité inhérente aux droits étant génératrice de désorganisation. De plus, pense-t-il, ce ne sont pas les droits qu’une personne détient qui la protègent d’autrui, mais les obligations mutuelles qui existent entre nous.

Dans la critique qu’il adressait à Burke, Thomas Paine considérait qu’il ne pouvait être question de droits indépendamment des hommes dont ils sont les droits. Aucun gouvernement ne peut fonder son autorité sur lui-même. Les gouvernements agissent pour préserver les droits des personnes qu’ils ont pour mission de protéger. À cela, les contre-révolutionnaires Joseph de Maistre et Bonald répondent qu’il n’existe aucune autre source d’autorité que celle de Dieu. Les hommes ne peuvent tout simplement pas se déposséder de quelque chose qui les dépasse. C’est la raison pour laquelle ni l’autorité divine ni l’autorité politique ne sauraient être remises en cause, puisqu’elles ne dérivent en rien d’un artifice contractuel. Toute entente qui relève de la volonté des hommes demande une puissance extérieure pour la fonder. Et puisque religion et politique se fondent l’une dans l’autre, il ne saurait exister une norme humaine de droit qui saperait leur autorité.

À l’inverse de Bentham, pour qui les droits de l’homme ne peuvent correspondre qu’aux besoins, le marxisme interdirait de prendre les droits au sérieux puisque ceux-ci ne protègeraient au final rien d’autre que le « calcul égoïste » des intérêts particuliers. Dans ses écrits de jeunesse, et en particulier dans Sur la question juive, Marx rejoint les critiques conservateurs des droits de l’homme dans la manière dont il les décrit comme étant porteurs d’une morale indépendante des conditions sociales d’existence, soit la lutte des classes. Contre la logique atomiste inhérente aux droits de l’homme, Marx s’opposerait à une soi-disant défense des personnes par les droits qui laisserait inchangés l’ordre social et l’aliénation des individus en subordonnant tout au principe inviolable du droit de propriété. Dans un monde d’inégalités sociales, l’uniformité des droits de l’homme renforcerait les injustices plutôt qu’elle ne les abolirait. Or, observent avec justesse J. Lacroix et J.-Y. Pranchère, Marx doit paradoxalement accorder une valeur aux droits qu’il dénonce puisque leur insuffisance ne signifie en rien leur invalidité. L’émancipation sociale établie par la lutte des classes d’abord, et par le socialisme ensuite, demande au préalable la reconnaissance de droits de l’homme – liberté de réunion et d’association, suffrage universel, liberté de presse, instruction publique et libre – qui tous représentent les étapes nécessaires vers une réelle transformation sociale.

Pour Carl Schmitt, la souveraineté d’un État ne lui vient pas des sujets politiques qui le composent, mais de l’unité et l’identité d’un peuple. Ainsi, si tous les citoyens sont égaux, cela ne peut relever d’une prétendue universalité des droits de l’homme car cela signifierait que les droits précèdent l’ordre politique. Inversement, pense Schmitt, le propre de l’égalité démocratique entre les citoyens relève de la capacité pour un peuple à se distinguer des autres peuples, à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières. À l’uniformité morale représentée par la perspective des droits de l’homme où chaque personne humaine mérite le respect quelle que soit son origine, Carl Schmitt oppose – avant même son adhésion au nazisme – une homogénéité nationale aux antipodes de toute universalité. Il ne saurait donc être possible d’admettre des droits de l’homme qui nieraient la volonté générale du peuple, laquelle ne saurait émerger d’une entente entre les parties.

Une reconstruction politique des droits

À tous ces auteurs, J. Lacroix et J.-Y. Pranchère amorcent le début d’une réponse en s’appuyant sur l’œuvre de Hannah Arendt. À la fin du deuxième tome des Origines du totalitarisme, Arendt avance la thèse selon laquelle les droits de l’homme reposent eux-mêmes sur des luttes politiques qui constituent le « droit d’avoir des droits ». Pour ce faire, il est nécessaire de penser les droits à partir de ce qui les conditionne, soit l’appartenance des individus à des communautés. Sans institution politique, sans organisation sociale, sans État les droits de l’homme ne peuvent référer à rien d’autre qu’à de simples vœux pieux. Il serait ainsi possible, comme l’ont fait de nombreux commentateurs, de rapprocher Arendt des autres contempteurs des droits de l’homme pour qui le caractère abstrait de ces droits en ferait des coquilles vides, un espace normatif apolitique. Mais pour J. Lacroix et J.-Y. Pranchère, si les droits s’inscrivent dans la vie des communautés, il ne s’agit pas pour autant de préconiser le modèle de l’État-Nation, où les droits politiques sont subordonnées aux impératifs nationaux.

Avec des auteurs comme Étienne Tassin ou Étienne Balibar, J. Lacroix et J.-Y. Pranchère partagent une même interprétation politique de la question des droits de l’homme chez Arendt. Les droits de l’homme relèveraient bien d’une citoyenneté et ne seraient pas indépendants de celle-ci. Toutefois, il ne s’agit pas ici de la citoyenneté de l’État Nation, mais de celle d’un statut politique en construction, indépendant des frontières mais forgé par les luttes pour l’émancipation, bref sur la « réalisation pratique » (p. 303) des droits, notamment dans la construction de contre-pouvoirs face aux prétentions hégémoniques des élites politiques et économiques. Il s’agit là de la piste la plus prometteuse du livre, mais qui demeure malheureusement à l’état de quasi-ébauche.

Vers de nouvelles pistes

Malgré les qualités indéniables de cet ouvrage, qui mérite une lecture attentive et fera l’objet, on peut l’espérer, de nombreux séminaires de recherche, sa structure d’ensemble présente quelques défauts qui en rendent la lecture un peu frustrante. Ces quelques réserves se veulent davantage des suggestions pour une suite possible à un livre dont on ne saurait trop saluer l’importance et la valeur.

En premier lieu, on s’explique mal l’absence d’auteurs contemporains anglophones qui –sans s’inscrire dans le sillage de la pensée d’Arendt – sont peut-être les plus proches des thèses proposées par J. Lacroix et J.-Y. Pranchère. Pensons par exemple aux travaux Thomas Pogge, Seyla Benhabib mais surtout Carol C. Gould, selon laquelle nos conceptions de la démocratie demandent à être élargies dans un processus décisionnel transfrontalier, en relation avec une conception des droits humains où les enjeux socioéconomiques et culturels occuperaient une place centrale.

En second lieu, l’articulation de la critique démocratique des droits de l’homme – exposée au premier chapitre – et de la cartographie conceptuelle et historique qui compose la plus grande partie du livre s’avère décevante. S’il est possible de partager l’intuition selon laquelle l’histoire conceptuelle des idées rend intelligible les termes des débats actuels, il est en revanche plus complexe de dégager les filiations réelles entre la pensée de Marcel Gauchet ou celle de Jean-Claude Michéa, qui se réclament de la démocratie pour critiquer les impasses des droits de l’homme, et celle de Burke, Marx ou Schmitt, pour qui la notion même de démocratie n’a pas le même sens. S’agit-il d’une simple reprise de ces mêmes arguments avec quelques déplacements ? Si oui, lesquels ? Du coup, ce qui est aussi perdu est la confrontation directe entre la perspective des auteurs – influencée par Arendt – et la critique démocratique contemporaine des droits de l’homme, laquelle se trouve surtout représentée de manière oblique, par le biais de sa genèse présumée. Peut-être est-il au final difficile de voir comment s’articulent deux traditions critiques bien distinguées par les auteurs : une première qui refuse la modernité même des droits de l’homme ou qui lui reproche son incapacité à sortir des ornières de l’individu, et une autre qui voit dans ces mêmes droits un paravent moral cachant l’échec du projet politique d’émancipation sociale nécessaire à l’égal respect de chaque personne. Toutefois, à la défense de J. Lacroix et de J.-Y. Pranchère, ce qu’ils observent dans le passé ne relève pas d’une critique systématique dont la cohérence s’érigerait comme une contre-théorie des droits de l’homme dès lors récupérable dans le débat contemporain. Ce sont bien des éléments de ces critiques du passé qu’il est possible de retracer aujourd’hui, et le grand intérêt du livre est d’en signaler des aspects trop souvent cachés qui échappent à notre vigilance. Bref, si un débat est possible sur les droits de l’homme, il faut être conscient de ce que portent avec eux les outils conceptuels utilisés pour les remettre en cause ou pour les défendre.

Enfin, et il s’agit là d’un élément beaucoup plus important, le droit – tel qu’il est institutionnalisé par les traités internationaux – est quasi absent du livre. Et c’est précisément cet arrimage entre le caractère abstrait des droits de l’homme et leur mise en œuvre qui demande la réflexion normative vers laquelle tend le livre de J. Lacroix et de J.-Y. Pranchère. En effet, une philosophie politique du droit ne peut ignorer les institutions et traités qui donnent sa réalité au droit. Pensons à la Convention contre la torture, au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, à la Convention relative aux droits de l’enfant, ou encore à des institutions comme le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU. De même, il est difficile de fonder philosophiquement la thèse du « droit d’avoir des droits » sans la rattacher aux luttes sociales pour le droit. Il existe des milliers d’organisations qui, à travers le monde, veillent et luttent pour le respect des droits fondamentaux dans un réel combat politique avec des moyens très limités, mais le plus souvent dans un flou normatif, d’où la nécessité d’une philosophie des fondements démocratiques des droits de l’homme. Une telle philosophie politique aurait pour tâche d’expliciter les normes à la base de l’interdépendance des droits et des luttes sans lesquelles leur existence est aléatoire. Sans une telle logique d’ensemble, les droits ne seront pas interdépendants, mais s’affirmeront comme une liste infinie de requêtes, ce qui est très exactement le sens des reproches formulés par M. Gauchet. Or, il est tout à fait possible de penser les droits de l’homme dans leur cohérence face aux affronts de toutes sortes dont sont l’objet les individus et les populations vulnérables. Il est évident que les droits de l’homme apparaitront comme des concepts creux, dépolitisés, s’ils ne réfèrent pas à leur corolaire obligé, soit la lutte contre les inégalités d’accès à l’exercice de droits reconnus comme universels. On retrouve ici le sens fondamental de l’article 28 de la Déclaration universelle des droits de l’homme selon lequel toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et international, un ordre permettant la pleine effectivité des droits.

Il serait possible de répondre que telle n’était pas l’ambition du livre de J. Lacroix et de J. Y. Pranchère et que leur cartographie historique doit être reçue comme une première étape vers une reconstruction politique des droits. Mais le véritable déficit philosophique des droits de l’homme est peut-être à saisir dans la manière dont nous concevons leur réalisation au sein de nos sociétés. La meilleure manière de répondre aux critiques démocratiques des droits de l’homme est peut-être de penser philosophiquement les luttes et les institutions politiques vouées à la réalisation de ceux-ci. Comme l’a montré récemment Pablo Gilabert, il ne s’agit pas pour autant d’abandonner toute perspective pré-institutionnelle. Il s’agit plutôt de montrer la complémentarité entre ce qui doit être conçu en termes généraux d’intérêts propres à l’humanité – indépendamment de toute structure institutionnelle – et ce qui relève des institutions et des mouvements politiques de reconnaissance des droits en tenant compte de leur singularité, selon qu’ils se retrouvent à l’échelle locale ou internationale. Cette jonction entre la forme abstraite des droits et le caractère contingent des luttes et des institutions manifeste une activité organisatrice des liens sociaux, ce qui témoigne du dynamisme de la réalisation pratique des droits de l’homme.

par Christian Nadeau, le 6 juin 2016

Aller plus loin

Beitz, Charles R., The Idea of Human Rights, Oxford, Oxford University Press, 2009.
Buchanan, Allen, The Heart of Human Rights, Oxford University Press, 2013.
Gilabert, Pablo, « Les perspectives humaniste et politique sur les droits humains », Philosophiques, vol. 42 n° 2, automne 2015, p. 251–282.
Id., « Labor Human Rights and Human Dignity », Philosophy & Social Criticism vol. 42, n°2 2016, p. 171-199.
Gould, Carol, Globalizing Democracy and Human Rights, Cambridge, Cambridge University Press, 2004.
Griffin, James, On Human Rights, Oxford, Oxford University Press, 2007.
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Pogge, Thomas, World Poverty and Human Rights, Cambridge, Polity Press, 2002.
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Tassin, Étienne, Le maléfice de la vie à plusieurs, Paris, Bayard, 2012.

Pour citer cet article :

Christian Nadeau, « Une politique des droits de l’homme », La Vie des idées , 6 juin 2016. ISSN : 2105-3030. URL : https://laviedesidees.fr/Une-politique-des-droits-de-l-homme

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