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Retour sur Simone de Beauvoir

vendredi 16 novembre 2007



par Rémy Pawin

Recensé :

Ingrid Galster, Beauvoir dans tous ses états, Paris, Tallandier, 2007, 348 p.

Professeur de lettres modernes à l’université de Paderborn (Rhénanie), Ingrid Galster publie un recueil d’articles consacrés à Simone de Beauvoir, dont la quasi-totalité a été publiée après 1995. Comme elle le confie dans l’introduction, elle s’est d’abord intéressée à l’œuvre de Jean-Paul Sartre – elle a soutenu en 1984 une thèse de troisième cycle sur l’accueil des Mouches et de Huis clos par la presse sous l’Occupation –, ce qui l’a conduite par la suite à Beauvoir, sur laquelle elle s’est penchée dès les années 1980.

Dans ce volume, qui n’est ni une énième biographie ni une monographie thématique, vingt articles sont rassemblés, regroupés par thèmes (étudiante, professeur et compagne de Sartre, Vichy, féminisme, réception posthume, critique de livres, Beauvoir en débat) et balayant la majorité des problématiques contemporaines des études beauvoiriennes. Au fil des articles, on découvre certaines facettes moins connues du personnage, qui méritaient d’être éclairées hors des querelles partisanes, sans souci d’hagiographie ou de dénigrement. L’écrivain engagé, qui a profondément marqué le second XXe siècle, a en effet trop souvent déclenché la polémique pour que le regard puisse s’y porter de manière neutre. C’est pourtant ce que tente Galster, lorsque, après avoir établi un certain nombre d’éléments objectifs, elle envisage les cheminements de la réception de l’héritage beauvoirien : d’abord de son vivant, lors de la querelle du Deuxième sexe en 1949, puis au moment de sa mort en 1986, lors de la publication de documents inédits qui modifièrent le regard porté sur « le couple modèle », et enfin, de manière plus contemporaine, en évoquant la controverse sur le féminisme beauvoirien.

Sur ce dernier point, l’auteure prend position de manière virulente contre Toril Moi (celle-ci a critiqué Beauvoir à l’aune d’un féminisme égalitaire, lui reprochant de ne pas avoir su se détacher d’une vision naturaliste de la femme) et voudrait nuancer la thèse de Sylvie Chaperon, qui qualifie les années 1945-1970 d’« années Beauvoir ». Dans cette perspective, elle remet en cause l’influence du Deuxième sexe en soulevant la question du va-et-vient entre la France et les États-Unis dans l’appropriation de cet ouvrage qui, selon Galster, a d’abord été apprécié par les féministes américaines, avant de revenir en France.

Cette réflexion est certes appréciable et on ne doute pas de l’intérêt heuristique du programme proposé par l’auteure, mais on pourrait reconnaître qu’il n’est pas inconcevable que la pensée de Beauvoir se diffuse moins par le Deuxième sexe, d’un accès difficile au premier abord, que par ses mémoires, qui connaissent dès leur parution un succès éditorial, ou par ses prises de position dans l’espace public, immédiatement commentées. Une étude plus approfondie semblerait donc nécessaire avant de trancher dans tel ou tel sens. De manière plus générale, c’est d’ailleurs la principale critique que l’on pourrait adresser à ce livre qui, en regroupant de courts articles, couvre l’ensemble du champ des études beauvoiriennes, mais dont, revers de la médaille, la dispersion et la rapidité des arguments suscitent parfois la réserve.

Pour aller plus loin :

 http://simonedebeauvoir.free.fr : le site de la Simone de Beauvoir Society, basée aux États-Unis :

 http://www.autourdebeauvoir.net : bibliographies, articles et témoignages sur Simone de Beauvoir

 http://clio.revues.org : le site de la revue Clio. Histoire, femmes et société


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